6 juin 2016 : Un robot quai Branly

Un projet intéressant a vu le jour en 2012 à l’initiative de plusieurs chercheurs et d’un anthropologue, Denis Vidal qui a publié le livre « Aux frontières de l’humain ; Dieux, figures de cire,robots et autres artefacts. ». L’idée du livre est de réfléchir s’il existe des propriétés spécifiquement et irrésolument humaines, face aux robots et autres artefacts et lesquelles. Dans cette perspective l’auteur parle « d’ontologie animiste » pour analyser les réactions spontanées des humains face aux machines robotisées. En qualifiant ainsi ces projections, l’auteur imagine que l’individu confère à son interlocuteur des « formes d’intériorité suffisamment semblables pour se voir attribuer un statut de « personnes » relativement similaire ». L’interlocuteur peut être classiquement un animal, un arbre dans les sociétés premières ou , et c’est le propos de l’auteur, un robot.

Même si la réflexion n’est qu’à l’état d’ébauche dans ce livre destiné au grand public, elle pose un certain nombre de jalons sur les relations humains-robots qui en renouvellent un peu la pensée, après Asimov ou Turing. L’étonnant est le lieu d’expérimentation qui a été choisi : le musée Branly. On aurait pu croire que d’autres musées se seraient mieux prêtés à l’exercice comme Beaubourg ou le musée d’art moderne, voire la fondation Louis Vuitton d’art contemporain, coutumier des installations. Non, ce fut ce musée des « musée des arts et civilisations d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques », excluant donc l’Europe et, implicitement la modernité, qui a été choisi. L’auteur ne donne aucune piste pour comprendre les raisons de ce choix et on ne peut que supputer la convergence de son analyse ontologique animiste de l’état de robot avec l’imaginaire qui rôde dans cet espace muséal qui se réfère sans cesse aux sorcelleries et autres registres explicatifs non scientifiques attribués aux peuples « premiers ».

L’enregistrement (mot de passe : berenson2012) qui en fut fait est trop bref pour pouvoir se faire une idée de la pertinence ou non de la théorie de l’auteur. Mais on peut aussi se poser un certain nombre de questions. La surprise aurait-elle été autant forte dans un espace d’art contemporain aux installations toujours plus interpellantes, leur objectif étant justement de surprendre le public ? Le contexte un peu mystérieux de ce musée où l’obscurité rivalise avec la structure biscornue et l’effroi engendré par certaines œuvres dont c’est précisément l’objectif, n’est-il pas à l’origine de ces angoisses soudaines face à cet intrus qui rôde ?

Et finalement, le dialogue avec la machine qu’entretient le public serait-il si différent de celui qu’il engagerait avec un animal sympathique qui déambulerait dans les couloirs du musée ?

Enfin une telle expérience mériterait sans doute d’être organisée au récent musée de l’homme, là où les visiteurs n’attendent ni interpellation contempooraine brutale, ni mystère d’un ailleurs magique mais simplement un regard sur leur propre humanité.

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