1er février 2010 : Identité biologique et génétique : Tout se complique !

Au détour de la lecture de « Pour la Science » de février 2010, surgit une notion bien étonnante. On savait que les chromosomes n’étaient pas les seuls à transmettre les caractères des parents et que les mitochondries (petits organites de la cellule qui sont dans le cytoplasme, c’est-à-dire hors du noyau) jouaient un rôle important. Ainsi, une expérience de transfert d’un noyau de cellule de carpe dans un œuf énucléé de poisson rouge a montré que l’embryon qui se développait suivait le modèle de développement du poisson rouge, donc indépendant des chromosomes de carpe. Du coup, les mitochondries (et peut-être d’autres composants du cytoplasme) prennent une nouvelle importance, qui n’a rien à voir avec le génome porté par les chromosomes et actuellement décrypté. De plus, cette transmission vient exclusivement de l’ovule, donc de la mère, même si lors de la fécondation, quelques organites du spermatozoïde peuvent sans doute pénétrer avec les chromosomes du père.

A cette transmission cytoplasmique s’ajoute une troisième source de transmission : les échanges de cellules entre la mère et le fœtus, entre la maman allaitante et le nourrisson tétant, voire peut-être entre deux amants. Le sacro-saint dogme que toutes les cellules de l’individu provenaient d’un unique œuf, rejetant impitoyablement toutes les autres cellules est donc tombé. On trouve des cellules de la mère dans les tissus de ses enfants, on trouve des cellules des enfants dans les tissus de la mère et, si certains effets peuvent être nocifs, d’autres sont bénéfiques, par exemple en permettant la restauration de tissus abîmés.

Médicalement, ces microchimèrismes offrent des possibilités intéressantes, mais anthropologiquement la question est de taille, si le moi biologique n’est plus l’individu dans sa pure singularité qu’on projetait auparavant, si je puis être constitué de morceaux de ma mère, voire de ma grand mère maternelle morceaux strictement identiques à ce qu’elles sont ou furent, sans être passé par la moulinette de la fécondation qui redistribue les cartes à chaque génération, la notion de totale singularité de l’individu est un peu bousculée.

Outre que la vogue de chercher l’alpha et l’omega dans le nouveau dieu ADN prend un sacré coup de vieux, on croise les idées de composite métissage, de patchwork intériorisant le manteau d’arlequin du « Tiers Instruit » de Michel Serres, mais aussi de tolérance de cellules étrangères, de compromis biologique entre du soi et de l’autre.

Et lorsque les auteurs de l’article mentionnent les recherches actuelles visant à savoir si ces cellules maternelles ou filiales peuvent passer dans le cerveau et donc influencer le développement de la pensée, Freud doit se retourner dans sa tombe!

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