6 juin 2009 : Un ticket pour le bonheur

La récente sortie du ticket psy© a fait couler beaucoup d’encre, en particulier du coté des médecins et des psychiatres. A bon droit du reste. Prétendre résoudre les problèmes de souffrance psychique par la seule mise à disposition d’un accès gratuit au « psy » relève d’une instrumentalisation de cette discipline, qui plus est non dénuée de risque déontologique de transmission d’information à l’employeur. On se souvient (mais hélas je n’ai plus les références) de ce numéro du bulletin de l’ordre des médecins qui déconseillait il y a quelques années aux psychiatres de prendre la carte bleue, certains patients s’étant vus refuser crédit ou assurance par leur banque qui considérait les consultations psychiatriques apparaissant sur les relevés de leurs clients comme témoins d’un risque trop élevé.

Ou bien, comme le proposait le Dr Knock, ces consultations gratuites viseraient-elles à transformer chaque être bien portant en malade qui s’ignore? A faire en sorte que chaque personne qui parvient tant bien que mal à s’équilibrer mentalement soit projetée dans l’inanité de cette prétention à vouloir vivre sans psy!

A propos, Knock a véritablement existé : Ce bon est inséré dans les pages du manuel : « Le médecin des pauvres & les 2000 recettes utiles » Dr Beauvillard 1922 (Knock a été publié en 1924) Bien entendu, les remèdes proposés sont payants!

Même s’ils sont incontestablement très utiles, les psys ne sont pas obligatoirement nécessaires pour étayer en permanence l’humanité souffrante.

Mais, en dépassant ce cadre, le registre du « ticket qui donnera le bonheur » traduit bien les conceptions omnipotentes du marché. Comme s’il suffisait de payer pour tout obtenir : jeunesse, santé, bonheur, sérénité, amour. Qu’un petit bout de papier puisse constituer le sésame vers un absolu au même titre qu’un ticket resto, un chèque vacances ou un ticket thalasso apporte de quoi manger, se reposer ou de quoi se baigner relève du même registre que la pixélisation de l’humain évoquée ci-dessous : l’uniformisation pour la standardisation. Pouvoir passer dans tous les secteurs, quelle que soit leur complexité, du stade artisanal au stade industriel, dans un processus de taylorisation, de séparation des tâches et de protocolisation.

Grâce au ticket psy, finis les doutes existentiels, finies les absences pour déprime, finies les prises de têtes pour cause de mauvais caractère, car bien entendu, il est inconcevable qu’une telle consultation ne fonctionne pas. Quand vous achetez votre sandwich avec le ticket resto, il n’est pas imaginable de ne rien avoir dedans. Il en sera de même avec la consultation psy ainsi financée. Automatique elle est payée, automatique elle doit fonctionner. Ou alors c’est qu’on est un mauvais client.

L’ouverture des droits au ticket psy peut même être présenté comme un avantage social, dégrevé de charges sociales, non imposable. Presque une mesure d’hygiène, au même titre que les toilettes accessibles à toute heure de la journée de travail. Une sorte d’accès garanti aux toilettes de l’âme. Chasse d’eau fournie!

Pas sûr néanmoins que tous les psys apprécient ce mode de règlement, eux qui généralement privilégient le liquide…

Cette idée laisse aussi augurer de nouvelles inventions : bientôt un « ticket interculturel » pour avoir droit à une consultation d’anthropologue qui décryptera des situations interculturelles incompréhensibles dans le monde privé ou professionnel. La consommation de l’anthropologie « pompier » et de l’interculturel est depuis longtemps dénoncée, mais pourquoi pas imaginer son industrialisation ? Un avenir pour une SARL REGARDS ????

Ou encore un « ticket spirituel » grâce auquel on aura droit (devoir?) d’aller au lieu de culte de son choix, selon les modes et le moment.

Une vraie vie en tickets mais il faut souligner que seuls les salariés d’une grosse entreprise y auront accès. Les autres se contenteront de l’artisanat !

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