3 février 2009 : Cartes et permis

Chaque dimension de la personne fait l’objet d’outils de communication. Certains sont éphémères comme la parole et le geste, d’autres sont virtuels comme le Net, d’autres sont bel et bien écrits. Ainsi, l’homo sapiens sapiens est-il aujourd’hui multicarte, du moins pour ceux d’entre nous qui ont ces fameux papiers, généralement en plastique. Parmi les nombreux documents dont nous disposons, quelques uns servent d’interface entre l’administration et l’individu. Étrangement, leur dénomination varie fortement, ce qui peut prêter à réflexion.

En ouvrant le portefeuille, on peut ainsi trouver quatre registres de définition de l’interface :

Commençons par les qualificatifs artificiels. La petite carte verte qui, par la dénomination, certes déposée et qu’un cabinet a dû pondre après moult séminaires de réflexions (comme toutes les Bleue, Visa, etc. du secteur privé), se dénomme la « carte Vitale ». Par quelle présomption, quelle audace, l’Assurance Maladie s’attribue-t-elle ainsi l’exclusivité du qualificatif du souffle, de l’énergie qui nous différencie de l’inanimé, de la vie ? Est-ce à dire que perdre sa carte Vitale, c’est s’exposer aux affres de la perte de qualité de vivant ? C’est ne plus disposer de son énergie vitale pour s’effondrer vers le minéral, l’enfer vide et silencieux ? Rangeons-la donc soigneusement pour préserver ce qu’il nous reste d’animalité.

L’autre définition qui figure sur cette carte, la rattache à l’administration qui l’émet : la « carte d’assurance maladie ». Bref, brutal et peu porteur de sens, comme on le verra.

Les définitions d’acte autorisé ne posent pas de problème de fond. Ainsi, le permis de conduire qualifie la capacité de maîtriser les engins à moteur, tout comme les cartes professionnelles permettent d’exercer certains actes : Police, médecin, etc.

L’utilisation d’adjectif pose plus question. Telle la carte « électorale », récemment dénommée ainsi, qui qualifie ce document comme « se rapportant à une élection, aux élections » (Larousse). On le dit d’une campagne, d’une carte géographique, on le comprendrait d’une invitation à aller voter, mais elle ne qualifie pas le porteur. Si l’on s’en tient au sens initial, la carte ne montre que le bureau de vote où l’individu est inscrit et non sa capacité de voter.

Enfin, un document décrit les attributs officiels de l’individu, c’est la carte nationale d’identité, qui en quelques cases entend définir ses dimensions d’existence administrative, et de tracer les contours qui fait de l’individu un être unique identifiable par l’administration. Du fait de son usage, elle devrait en réalité se dénommer « carte d’identification. »

Imaginons que nous transposions les quatre façons de définir le terme aux quatre documents, cela nous donnerait le tableau suivant :

Carte d’identité Carte de conduite Carte de vote Carte de soigné
Permis de circuler en libre citoyen Permis de conduire Permis de voter Permis de se soigner
Carte identitaire Carte conductrice Carte électorale Carte soignante
Carte France Carte Bagnole
(et/ou Gros Cube)
Carte Urne Carte Vitale

 

D’autres hypothèses peuvent aussi être émises :

Buts de la dénomination Carte d’Identité Permis de conduire Carte électorale Carte Vitale
Fonctionnalité administrative Carte d’identification Carte de certification de compétences de conduite Carte de vérification de l’éligibilité à voter Carte de paiement des soins
Émetteur Carte d’État (bureau des…) Carte d’État (bureau des…) Carte d’État (bureau des…) Carte d’Assurance Maladie
Récipiendaire Carte de Moi Carte de conducteur Carte d’électeur
Autrefois ainsi dénommée
Carte d’assuré malad(i)e

On peut poursuivre longtemps l’exercice, mais ce qui importe c’est que ces différents termes n’ont pas tout-à-fait le même sens pour le porteur…

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