9 décembre 2008 : Les traces du bonheur

Cartographier le bonheur, rêve de tout géographe humain qui se respecte! Et c’est chose faite par les universitaires de Leicester de l’école de psychologie positiviste se fondant sur une méta analyse internationale. Le « bien être subjectif », c’est ainsi que se nomme le bonheur scientifique (le vrai?), peut se mesurer et, par comparaison, permet de visualiser les zones de la planète dont les habitants se disent heureux. Cette carte pose de vastes problèmes de définition à savoir le bien être subjectif élevé a-t-il la même signification (psychologique, physiologique, humaine…) à Ulam Bator et en Colombie? Comment tirer des comparaisons entre moyennes confondant tous les milieux : urbain, paysan, nomade, industriel, etc. ?

Cette cartographie est à l’évidence imprégnée d’ethnocentrisme, même si la technique de projection utilisée est celle de Peters, respectant la surface réelle des continents contrairement à celle usuelle de Mercator qui sur-dimensionne les latitudes tempérées au détriment des tropicales. D’une part, elle considère les entités géographiques que sont les pays comme des structures parfaitement homogènes humainement, psychologiquement, économiquement, etc.; Surtout, elle universalise la notion occidentale du bonheur qui sert d’étalon au monde par la méthodologie d’enquête, le type de questions posées et le type de réponses considérées comme positives. La carte ainsi produite, certes respecte les proportions géographiques, mais impose visuellement une nouvelle norme, encore occidentale, toujours anglo-saxonne.

Les auteurs ne parlent pas d’ethnocentrisme. Néanmoins, ils citent le piège tautologique que représente la commercialisation de la discipline. Sujet de revenus substantiels dans les pays qui l’ont vu naître, c’est là où sont observés comme par hasard les meilleurs taux de bonheur, ce qui tend à confirmer son efficacité clinique.

Les meilleurs taux observés sont en premier lieu scandinaves (Danemark 273), européens (Suisse 273 et Autriche 260), les pires se partagent entre l’Europe de l’Est (Moldavie en queue avec 117) et l’Afrique avec le Zimbabwe 110 et le Burundi 100 qui ferme la marche. La France est 62 ème avec 220, score qu’elle partage avec El Salvador, Hongkong, l’Indonésie, le Kirghizstan, les Maldives, la Slovénie, Taïwan, Timor Est et les Îles Tonga.

Il peut être intéressant de comparer la vision de ce monde du bonheur avec celle du monde producteur de pétrole faite par l’université de Grenoble

Mis à part les contre exemples de la Russie (jeune producteur, malheureux) et inversement de la Mongolie, globalement les cartes se rejoignent. Quelles interprétations proposer ?

Économiques, sans doute à en juger les tâches rouge brique en Europe que sont la Suisse et le Luxembourg mais les contre exemples déjà cités de la Russie et de la Mongolie plaident en sens contraire, et que dire des scores identiques observés à Hongkong et au Kirghizstan ?

Politiques avec une démocratie plus favorable au bonheur ? On s’abstiendra de porter un jugement sur tel ou tel pays.

Sans doute au moment de l’enquête (2002), la certitude inconsciente des habitants que ce pétrole dont leurs sous sols regorgent, poursuivrait une hausse constante de ses cours, alors que les pays voisins sont dépourvus de cette ressource, joue-t-elle un rôle dans une vision résolument positive de l’avenir collectif. Ce facteur pourrait ainsi éclairer la similitude des cartes, en étant combiné avec la relativité du terme de bonheur face à des enquêteurs formés à l’occidentale et le lissage des moyennes. Mais, avec l’effondrement aujourd’hui constaté du cours du baril, le bonheur scientifique a-t-il aussi chuté dans ces pays ? A suivre…

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